La nouvelle vague de canicule qui s'est abattue sur la France cet été remet en lumière la question épineuse de l'adaptation des logements des Français à des températures extrêmes. Elle s'impose notamment dans les zones urbaines denses où les habitants se trouvent particulièrement exposés au stress climatique.
Anticipant la publication de la nouvelle édition d'un rapport de la Fondation Abbé Pierre, qui alertait dès juin 2023 sur cette nouvelle forme de mal-logement liée à la précarité énergétique d'été, IGNES, alliance d'industriels de l'électrique et du numérique dans le bâtiment * dévoile une étude qui scrute la qualité de l'habitat au regard du confort d'été.
Réalisée par le cabinet Pouget Consultants, spécialisé dans le conseil en performance énergétique, l'enquête décortique la base de données de l'Ademe, l'Agence de l'environnement, relative aux diagnostics de performances énergétiques (DPE) attribués aux logements en France, mais uniquement ceux réalisés à partir du 2 juillet 2021 et jusqu'à avril 2024. Soit environ 5 millions de DPE attribués avec ce critère.
Ce n'est en effet que depuis le 1er juillet 2021 que le DPE, qui sonde la performance énergétique des logements, prend en compte cet indicateur du confort d'été. Plus précisément, l'outil vise à évaluer, en période estivale, le confort thermique passif des biens, c'est-à-dire faisant appel à des moyens consommant peu ou pas d'électricité.
Cinq paramètres sont ainsi évalués : l'isolation de la toiture pour les logements au dernier étage et les maisons, la présence de protections solaires extérieures sur toutes les fenêtres et baies vitrées orientées Sud, Est et Ouest, l'inertie du logement, son caractère traversant ou non et la présence de brasseurs d'air fixes. Les systèmes de refroidissement (climatisation…), gourmands en électricité, ne sont pas intégrés dans cet indicateur.
Mauvais résultats pour les logements neufs ou rénovés
Selon l'existence ou non de l'une ou plusieurs de ces caractéristiques, le volet « confort d'été » du DPE est jugé « insuffisant », « moyen » ou « bon ». Les critères « isolation de la toiture » et « protections solaires extérieures » sont excluants, c'est-à-dire que l'indicateur est automatiquement « insuffisant » s'ils ne sont pas satisfaits. Ce critère n'a par ailleurs aucune incidence sur la notation globale du logement dans le DPE [sur une échelle qui va de A à G pour les moins performants sur le plan énergétique, NDLR].
Or, principale conclusion de l'étude IGNES, seulement 1 logement sur 10 passés au crible ressort comme « bon ». Autrement dit, les logements étudiés sont très largement inadaptés aux fortes chaleurs. Dans le détail, près de la moitié des biens sont notés « insuffisant », du fait principalement de l'insuffisance de protections solaires extérieures sur les baies orientées Sud, Est et Ouest de l'habitat concerné. Seulement 5 % des logements sont équipés d'un brasseur d'air.
Sans réelle surprise, les logements dits « passoires thermiques » en hiver [F ou G dans le DPE] sont majoritairement des « bouilloires thermiques » en été. Mais, de manière plus surprenante, l'étude révèle de mauvais résultats pour les logements neufs ou rénovés ! De fait, 31 % des logements notés A sont déclarés « insuffisants » en confort d'été, en raison principalement du manque de protections solaires extérieures (94 %). Et seulement 10 % des A sont classés « bons ».
Autre enseignement inquiétant, alors que la fiabilité du DPE est régulièrement questionnée, selon l'étude plus d'un quart (26 %) des indicateurs « confort d'été » calculés dans les DPE analysés seraient erronés, « en raison d'une mauvaise application des règles de calcul de l'indicateur ». Une erreur dans le logiciel serait en cause.
L'enquête met aussi en évidence une surreprésentation des logements avec un indicateur « insuffisant » en zone rurale, pourtant moins à risque de surchauffe et d'effets d'îlot de chaleur urbains. Ce qui tient à la méthodologie même du critère « confort d'été », puisque le climat local et l'environnement du bien (jardin, forêts…) ne sont pas pris en considération.
De même, la surreprésentation des maisons dont le confort d'été est évalué comme « insuffisant » par rapport aux appartements tient probablement, selon l'étude, à la part plus importante de celles-ci dont l'indicateur « isolation de toiture » est évalué. Pour tous les logements qui ne sont pas sous les toits, ce critère n'est en effet pas utilisé dans l'évaluation du confort d'été. Un biais similaire se retrouve au niveau des logements « traversants » catégorisés « insuffisants », plus nombreux parmi l'habitat de type maisons qu'appartements.
Si l'indicateur « confort d'été »se dégrade avec l'augmentation de la surface du logement, les très petites surfaces ne sont que rarement classées au niveau « bon », relève aussi l'enquête.
L'amélioration de l'indicateur confort d'été dans le DPE s'impose donc, estiment les auteurs. Elle passe notamment par une différenciation en fonction du type de logement, de sa localisation et donc des sollicitations thermiques qu'il va subir.
* IGNES compte parmi ses membres : Legrand, Schneider Electric, Hager et Somfy.
Par Anne-Sophie Vion – Les Echos - Publié le 21 août 2024 à 17:25Mis à jour le 22 août 2024 à 15:06