Transformation digitale : la stratégie de l'ouverture

Au-delà de l’arrivée de nouveaux dispositifs technologiques, la transformation digitale est d’abord une révolution managériale pour les entreprises. La conférence Too big to Innovate organisée par Cap Digital lors du festival Futur en Seine, suivi quelques jours plus tard du Digiworld Future de l’Idate, a permis à plusieurs grands patrons et responsables opérationnels d’exposer leur vision stratégique. Tour d’horizon.

« Le numérique correspond à une transition anthropologique de nos sociétés.» Rien que ça ! C’est en tout cas ce qu’observe Françoise Mercadal-Delasalles, Directrice des ressources et de l’innovation Groupe de la Société Générale. Selon elle, « un changement profond du rapport humain est à l’œuvre, dans la famille, à l’école, mais aussi dans l’entreprise ». « On ne survivra pas si on continue à manager comme au 20ème siècle » renchérit Ludovic Parisot, directeur de projet innovation du groupe Engie, qui intervenait à ses côtés à l’occasion de la conférence too Big to Innovate organisée par Cap Digital.

Sous l’impact du numérique, le monde du travail change en profondeur : les organisations s’horizontalisent, les hiérarchies s’aplanissent, la frontière entre la vie privée et la vie professionnelle devient poreuse. Bref, on ne vit plus l’entreprise comme avant. Résultat : le premier défi de la transformation digitale des grandes entreprises est avant tout managérial.

Les grands patrons en première ligne

Conscients des défis managériaux qui s’imposent à eux, plusieurs grands patrons ont profité de la conférence organisée par Cap digital pour apporter leur témoignage. Pour Augustin de Romanet, par exemple, PDG d’Aéroport de Paris, le «plus grand défi [de la transformation digitale consiste à embarquer avec nous les 7 000 collaborateurs de l’entreprise».

Quel que soit le secteur, la problématique est partout la même : comment accompagner les collaborateurs vers les nouveaux usages ? Comment changer des habitudes de travail bâties parfois pendant des décennies ? Parce qu’une entreprise est d’abord composée de femmes et d’hommes, il faut d’abord dépasser la défiance et l’inquiétude légitimes suscitées par l’inconnu et la nouveauté.

Tous en témoignent : les premières résistances sont avant tout internes. Alexandre Bompard, le PDG de la Fnac, également présent à la conférence de Cap Digital, souligne ainsi que les vendeurs de la Fnac ont perçu dans un premier temps le site Fnac.com comme leur principal concurrent. A la SNCF, ce sentiment de concurrence a même tourné au dénigrement. Guillaume Pepy, qui clôturait Too big to innovate, a ainsi confié qu’au moment de la mise en œuvre de voyages-sncf.com, les cheminots surnommaient le site « jemelapète.com ».

Autre instance, autre témoignage, même problématique. Lors du forum Digiworld Future organisé le 16 juin dernier par l’Idate, Sébastien Bazin, le PDG du groupe Accor Hotels, a présenté son ambitieuse stratégie de transformation digitale. Frappé de plein fouet par la concurrence de puissants disrupteurs comme AirBnB, les groupes hôteliers sont confrontés à l’impérieuse nécessité de faire évoluer leur offre et de digitaliser leur parcours clients. Un défi que le dynamique patron d’Accor relève avec brio et détermination, tout en pointant du doigt une problématique très humaine. « 90 % des créateurs d’entreprise dans le monde du voyage ont moins de 35 ans. Et chez moi, les décisions sont prises par des plus de 50 ans. Il faut que les deux générations se rencontrent, car je ne veux pas que les plus jeunes s’en aillent ». L’un des premiers chantiers de Sébastien Bazin en arrivant à la tête du leader mondial de l’hôtellerie voilà deux ans a donc été de favoriser ce rapprochement. Comment ? En ouvrant au maximum l’entreprise sur l’extérieur et en développant une offre capable de contrer la concurrence des nouveaux entrants. Accorhotels proposera bientôt une place de marché numérique ouverte aux hôteliers indépendants. Y seront éligibles les hôtels qui auront obtenu les meilleures notes sur Trip Advisor.

Stratégie de l’ouverture

Cette stratégie de l’ouverture est aussi la voie choisie par la Fnac et la Sncf. Avec son plan de transformation Fnac 2015, Alexandre Bompard a tout misé sur l’omnical et les nouveaux relais de croissance. Une stratégie qui passe par un fort accompagnement des vendeurs et une amélioration de l’articulation entre les points de vente physique et le web, mais aussi par le lancement de nouveaux services et produits, comme les objets connectés, le petit électroménager, ainsi que par les partenariats extérieurs. Ainsi, en faisant appel à Kobo plutôt qu’à la R&D interne, la Fnac est « aujourd’hui au coude à coude avec Amazon sur le marché des liseuses ».

La SNCF mise elle aussi sur l’ouverture maximale. « On ne peut pas tout faire nous-mêmes. Il faut travailler avec les autres et structurer nos écosystèmes » a d’ailleurs martelé Yves Tyrode, l’ancien patron de voyage-sncf.com et actuel directeur digital et communication de la SNCF. Le transporteur ferroviaire s’est ainsi engagé à installer le wifi dans ses trains à un horizon de 18 mois. Depuis le 15 juin dernier, il a surtout ouvert ses API aux développeurs externes.

Cette stratégie d’ouverture et de partenariat trouve manifestement un écho chez les principaux acteurs du numérique, y compris chez les plus grands. Lors du Digiworld Future, Carlo d’Asaro Biondo, président EMEA de Google, a ainsi souligné avec force que pour Google lui-même, « travailler seul ne marche plus ».

Joévin

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Joevin Canet

Journaliste, passionné par le digital, j'ai couvert l’actualité numérique au sein de l’équipe digitale d’Orange Business et accompagné le déploiement du dispositif éditorial appliqué aux blogs et aux réseaux sociaux de l'entreprise.