La transformation digitale impose des changements profonds dans la manière d'aborder les projets IT. Voiciquelques éclaircissements sur les raisons impérieuses d’adapter ses méthodes de travail en matière de projets informatiques.
1. Aller vite et éviter le cahier « décharge »
Le premier des problèmes récurrents des projets que j'ai connus venait de la définition du fameux cahier des charges. Les maîtres d'ouvrages les renomment souvent cahier « décharge » : ils restent lettre morte et finissent dans la poubelle des développeurs. La méthode agile se distingue des méthodes traditionnelles par sa suppression, les fonctionnalités étant définies en commun au fur et à mesure, au fil du temps.
2. La dichotomie MOA–MOE est devenue obsolète
Deuxième problème rencontré le plus souvent dans la gestion de projet classique, les rivalités interminables entre utilisateurs et informaticiens, symbolisées par ces deux acronymes de MOA (maîtrise d'ouvrage) et de MOE (maîtrise d’œuvre). Notions héritées du domaine des travaux publics, et plus ou moins bien adaptées. Or, je n'ai quasiment jamais vu un client comprendre correctement ce qu'était un maître d'ouvrage (utilisateur) par rapport à un maître d'œuvre (informatique). Dans les pays anglo-saxons, ce terme n'existe pas réellement. Il y a en revanche un responsable utilisateurs (la maîtrise d’ouvrage pour nous) nommé coordinateur de projet (“Project Coordinator”). Ces dernières années, la notion de maîtrise d’ouvrage s'étant structurée, les projets se sont complexifiés et ont donné vie à des structures organisationnelles de plus en plus ésotériques.
Ainsi sont nées des “assistances à maîtrise d’ouvrage", des “maîtrises d'ouvrage déléguées” (dans la DSI), etc. On finissait par ne plus rien comprendre à l'organisation du projet et aux responsabilités de chacun. La méthode agile a tendance à se débarrasser de cette notion de maîtrise d'ouvrage et de maîtrise d'œuvre en constituant des équipes pluridisciplinaires, ce qui permet d’éviter les luttes surréalistes et inutiles entre informaticiens et utilisateurs.
3. S'assurer d'un résultat et éviter l'effet tunnel
La troisième frustration générée par les projets traditionnels est le fameux « effet tunnel », sur lequel veillent attentivement les chefs de projet. Pour repérer un effet tunnel, il suffit de questionner son chef de projet sur l'état d'avancement du projet.
Si sa réponse est « nous sommes sur la bonne voie » ou « tout se passe normalement », je tire alors la sonnette d'alarme. Dans les projets classiques, le temps de livraison est long, jusqu'à épuisement du cahier des charges : la seule façon de s'assurer que le projet sera livré dans les temps est d’adopter une démarche binaire sur chacune des tâches (terminée ou pas). Toute approche intermédiaire du style « cette tâche est en cours » ne veut rien dire.
Avec la méthode agile, les tâches s'enchaînent les unes après les autres et les points de livraison suivent un rythme rapide pour éviter les effets tunnels.
4. Se débarrasser une fois pour toutes de la “fonctionnalitite” aiguë
Les projets traditionnels tendent à empiler un maximum de fonctionnalités dans leur cahier des charges. C'est la “fonctionnalitite” aiguë. Ce problème n'est pas entièrement réglé par la méthode agile qui au contraire peut avoir tendance à accumuler le nombre de « sprints » et aboutir à un outil inutilisable au fil du temps. En revanche, elle permet de tester les fonctionnalités au fur et à mesure, et de vérifier leur utilité et leur intérêt.
la courbe de “fonctionnalitite”, adaptée de Kathy Sierra
5. L'adaptabilité pour coller au terrain
Un autre point crucial est de pouvoir coller à un environnement en constante reconfiguration, sous la pression des nouveaux entrants et de l'évolution rapide des usages et des comportements. L'informatique se généralise et l’immense majorité des utilisateurs est de plus en plus experte en nouvelles technologies. Il faut donc être capable de faire évoluer ses applications rapidement pour satisfaire ses utilisateurs. Les méthodes de projet traditionnelles ne permettent pas cette adaptabilité sur le terrain car leur temps de développement s'inscrit dans une logique longue.
Ces 5 points de vigilance sont certainement les plus déterminants pour ce qui est de la nécessité de l'adoption des méthodes agiles dans les développements informatiques modernes.
Yann Gourvennec
Je suis spécialiste en systèmes d'information, marketing de la highTech et Web marketing. Je suis auteur et contributeur de nombreux ouvrages et Directeur Général de Visionary Marketing. A ce titre, je contribue régulièrement sur ce blog pour le compte d'Orange Business sur les sujets du cloud computing et du stockage dans le cloud.