L'industrie manufacturière traditionnelle est en pleine transformation numérique. De nouvelles technologies telles que l'intelligence artificielle, le Cloud computing et les appareils connectés bouleversent profondément la manière dont les usines fonctionnent, menant certains analystes à parler d’une quatrième révolution industrielle.
(Pour résumer, la première Révolution industrielle au 18e siècle reposait sur l'innovation mécanique, la seconde au 19e siècle sur l'électricité, et la troisième au 20e siècle sur l'automatisation grâce aux TIC).
L'industrie 4.0, à l’honneur à la Foire de Hanovre cette année, s’appuie sur la convergence de technologies émergentes et matures comme les capteurs, le Cloud computing, la robotique avancée ou l'intelligence artificielle. Il ne s'agit pas uniquement de la création de machines toujours plus intelligentes, mais également de la façon dont ces dernières interagissent avec les bâtiments, les réseaux et la logistique. Des usines totalement dépourvues de main-d'œuvre humaine pourraient un jour devenir une réalité.
Quel est donc l’impact de l'industrie 4.0 ?
Le nouveau complexe portuaire hautement automatisé de Londres, London Gateway, est un excellent exemple de cette transformation. Autostow y gère ainsi la distribution, le stockage et la récupération entre des milliers de conteneurs. Le centre pourrait à terme prendre en charge 3,5 millions de conteneurs par an. Cette expérience nous montre à quel point l'industrie 4.0 pourrait transformer le secteur du transport.
On peut également citer la flotte de camions autonomes de différents constructeurs qui ont récemment parcouru l’Europe, Amazon qui expérimente des systèmes de livraison par drones, ou encore Uber qui ne fait aucun mystère de son plan à long terme visant à remplacer les conducteurs par des véhicules autonomes.
Au-delà des applications logistiques, l'automatisation devient également plus intelligente chaque jour. Citons par exemple les systèmes de construction des moteurs automatisés des aspirateurs Dyson, ou encore la fabrication automatisée de la Tesla Model S. Pour cette dernière, l'automatisation sera nécessaire pour satisfaire les 325 000 commandes de la Model 3. Enfin, Dassault Systems et CLAAS créent des solutions plus connectées et automatisées pour l'équipement agricole. L'industrie des semi-conducteurs est déjà largement automatisée depuis plusieurs décennies.
Bref, l'automatisation est partout !
Des solutions peu coûteuses
Principal avantage de ces solutions : leur coût. Les robots deviennent de plus en plus abordables, malgré les coûts annexes d’entretien, de déploiement et de mise en place de l'infrastructure de soutien nécessaire. En outre, les nouvelles variétés de processeurs mobiles intégrés actuellement en production seront évolutives, plus efficientes et connectées. Ces processeurs pourront commander l'entretien prédictif dont ils ont besoin avant même que vous n’en preniez connaissance.
Des entreprises américaines de premier plan, telles que General Electric, Eaton, Molex, Microsoft et IBM figuraient parmi les 250 sociétés venues présenter à Hanovre des solutions pour l'industrie en réseau. L'Industrial Internet Consortium (IIC) y tenait même un stand pour la première fois. En arrière-plan, des géants de la technologie rachètent actuellement de nombreux talents du secteur de l'intelligence artificielle – plus de 20 entreprises ont ainsi été acquises au cours des trois dernières années par des sociétés telles que Google, Amazon, Apple, IBM, Yahoo, Facebook, Intel, et, plus récemment, Salesforce. Ces sociétés investissent principalement dans le deep learning et les réseaux neuronaux artificiels, mais aussi dans le traitement automatique du langage, les algorithmes d'auto-apprentissage, la personnalisation de l'intelligence artificielle ou encore le machine learning.
Frost & Sullivan prévoit que, dans un avenir très proche, les lignes d'assemblage et de production contrôlées par l'intelligence artificielle deviendront la norme. Ils estiment que le big data et l’intelligence artificielle permettront de créer des systèmes d'auto-apprentissage automatisés. Ces derniers remplaceraient les infrastructures existantes notamment lors des étapes de production et de distribution.
Vers des machines autodidactes ?
Jusqu'à récemment, les robots industriels étaient synonymes de solutions ponctuelles : ils sont chers, doivent être ancrés au sol, ont besoin d'être pris en charge par des humains, doivent recevoir des instructions et sont rarement capables de fabriquer différents types de pièces. Les reprogrammer (ré-outiller) pour les rendre aptes à produire autre chose s’avère complexe, coûteux et constitue un véritable défi.
Les analystes suivent avec attention l’évolution de machines (plus) intelligentes utilisant des systèmes de connaissance de type deep learning tels qu'IBM Watson et qui seront en mesure d'acquérir seules de nouvelles compétences pour exécuter d’autres tâches. Elles seront ainsi capables de s'auto-construire.
Cela rend les systèmes automatisés plus souples et réactifs – ces derniers pouvant à l'avenir passer d’une tâche de fabrication à l’autre à mesure que les quotas sont remplis. Ils ne s'ennuieront jamais, ne feront jamais grève, ne prendront jamais de vacances et leurs systèmes de maintenance préventifs, intelligents et connectés limiteront les pannes au cours d'un cycle de production.
L'emploi 4.0
Avec des conséquences aussi importantes sur de nombreux secteurs industriels, le magazine Fortune a récemment averti que le « chômage technologique » pourrait avoir un impact sur l'insertion professionnelle.
Forrester prévoit que 7 % des emplois devraient disparaître et ne pas être remplacés d'ici 2025, en raison de l'essor des technologies d'automatisation. « Notre analyse indique que d'ici 2019, 25 % de l'ensemble des tâches professionnelles seront délégués à des robots logiciels, des robots physiques ou à des systèmes de libre-service destinés aux clients. Pour la plupart des travailleurs, l'irruption de ces collègues robotiques changera la façon dont nous abordons nos tâches quotidiennes, impliquant de nouvelles méthodes de formation professionnelle, de gestion, de nouveaux systèmes de reporting financier, etc. », explique l'analyste JP Gownder.
Cependant, au moins un futurologue fait valoir que certaines compétences intrinsèquement humaines telles que l'empathie ou la narration seront davantage valorisées, apportant ainsi une touche humaine aux infrastructures automatisées. Alors que les machines prennent la relève des humains pour de nombreuses tâches, les compétences non techniques telles que celles précédemment citées seront encore plus appréciées.
Jon Evans
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Journaliste professionnel dans le domaine de la technologie depuis 1994.