Data et Internet des Objets : un enjeu 100 % culturel #FAParis

Le 19 septembre dernier, le Forum d’Avignon, un think tank dédié au rapprochement entre les enjeux de la culture et ceux de l’économie, organisait au CESE (Conseil économique, social et environnemental), le premier forum culturel 100 % data. Au centre des débats de ce Forum d’Avignon@Paris, l’usage de la donnée personnelle dans un monde où le Big Data et les objets communicants s’apprêtent à devenir incontournables.

«La révolution numérique doit être celle des citoyens et du jaillissement de leur créativité ». D’emblée, le ton est donné. Par Fleur Pellerin en l’occurrence, ancienne ministre déléguée à l’économie numérique et actuelle ministre de la Culture, qui ouvrait le Forum d’Avignon@Paris. Autrement dit, l’usage des données personnelles, encouragé par l’incroyable potentiel innovant que représente l’Internet des Objets, constitue autant un défi culturel qu’un enjeu de civilisation. Et puisqu’il est question de culture, n’oublions pas les mises en garde d’Aldous Huxley et de Georges Orwell. Avec le Big data, le meilleur des mondes n’est pas si éloigné de Big Brother. Les débats du Forum d’Avignon@Paris ont donc visé à élaborer un cadre éthique pour construire un avenir aidé et non pas dominé par la donnée. Cette journée d’échanges et de débats a notamment abouti au lancement d’une Déclaration préliminaire des droits de l’homme numérique #DDHN.

A qui appartient la donnée ?

La question de la propriété de la donnée personnelle apparaît en effet incontournable. Pour Maurice Levy, le président de Publicis qui intervenait en conclusion du Forum, elle sera même « au cœur de la société de demain ». A qui appartiennent en effet les données ? A l’individu qui les émet ou à l’entreprise qui crée l’outil pour les produire ? Comment faire pour éviter que l’individu ne se transforme lui-même en produit ? Les promoteurs de la DDHN ont tranché : l’article 1 de la déclaration préliminaire des droits de l’homme numérique stipule que « les données personnelles, en particulier numériques, de tout être humain traduisent ses valeurs culturelles et sa vie privée. Elles en peuvent être réduites à une marchandise ». Voilà l’enjeu : faire en sorte que la collecte de la donnée profite à tous, aux industriels qui les commercialisent comme aux individus qui les génèrent. A cet égard, les entreprises comptent parmi les principaux acteurs de la révolution numérique. Aux côtés des intellectuels, des artistes, des politiques et du législateur, il leur appartient de créer un cadre propice à la promotion de la créativité collective et individuelle permise par l’explosion de la donnée.

échange données contre transparence

Pour les orateurs du Forum d’Avignon@Paris, cela ne fait aucun doute : l’exploitation des données personnelles ne peut se faire sans contrepartie. François Bourdoncle, co-fondateur d’Exalead et Président de FB&Cie, souligne à cet égard que « l’économie de la donnée va de pair avec l’économie de la confiance ». Or, ainsi que l’a rappelé Marc Mossé, directeur des affaires juridiques et publiques de Microsoft France, Vice-président du think tank Renaissance numérique, « la confiance ne peut avoir lieu sans la transparence ». Qui dit transparence, dit aussi clarté, pédagogie et esprit de responsabilité. Voilà sans doute les composantes incontournables d’une culture marchande de la donnée.

la culture de la donnée : un avantage concurrentiel pour les entreprises

Vœu pieu ou impératif économique ? Pour Isabelle Falque Pierrotin, présidente de la CNIL, les entreprises n’ont pas le choix. Face à l’importance de la révolution numérique, « elles sont obligées aujourd’hui d’intégrer une culture de la donnée ». Nicolas de Cordes, vice-président Marketing Anticipation d’Orange Group, y voit même « une question de survie pour les entreprises » qui ne peuvent « refuser l’existence de la donnée et l’adaptation à cette réalité ».

D’autant qu’un cadre réglementaire émerge progressivement. Le 13 mai dernier, la Cour de Justice Européenne (CJUE) a publié un arrêt qui consacre le droit à l’oubli. Sur cette base, la Justice française vient d’ordonner à Google de déréférencer des contenus jugés diffamatoires. Autre arme aux mains des citoyens, la portabilité des données, qui consiste à pouvoir changer d’opérateur en emportant avec soi ses données personnelles. L’idée fait aujourd'hui son chemin au sein des instances européennes.

Certes, l’approche diffère selon qu’on se situe en Europe et en Amérique du Nord. Pour l’heure, les géants du web ont un temps d’avance. Une chose apparaît cependant certaine, « il ne faut pas avoir une vision trop uniforme, tant les besoins diffèrent selon les secteurs. La réponse à la donnée ne peut être uniquement technique et réglementaire, elle doit également être industrielle », comme l’a souligné la Présidente de la CNIL. Avant d’ajouter, évoquant le débat sur la portabilité, que « dans la récupération de la souveraineté, l’individu a un rôle majeur à jouer. Ce n’est pas rien de voir 40 000 personnes demander à un grand groupe de disposer de ses données ».

Quel que soit le contexte, les individus créatifs et déterminés s’émanciperont toujours des règles et des normes. L’avenir repose d’abord sur eux. Les entreprises qui sauront se mettre à leur écoute auront tout à y gagner.

 

Joevin Canet

Journaliste, passionné par le digital, j'ai couvert l’actualité numérique au sein de l’équipe digitale d’Orange Business et accompagné le déploiement du dispositif éditorial appliqué aux blogs et aux réseaux sociaux de l'entreprise.